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II - UNE REVOLUTION ARTISTIQUE

par Salomé & Lena 30 Janvier 2015, 13:00

 

 

A - THE INDEPENDENT GROUP

 

  "De petites occasions sont souvent à l'origine de grandes entreprises.", nous disait Démosthène. Qu'y a-t-il a l'origine du grand mouvement révolutionnaire qu'est le Pop Art? Un simple groupe : l'Independent Group.C'est un cercle intellectuel composé de peintres, de sculpteurs, d'architectes et autres artistes se réunissant à l'Institut d'Art Contemporain de Londres au début de l'année 1952. Leus réunions ont un but bien précis: ils souhaitent défier le modernisme et le ré-évaluer. Ambitieux!


 

  Le modernisme était alors un courant artistique international depuis 1925, qui, dans le mobilier notamment, dégageait une volonté de produire des séries modernes mais bon marché. L'Independent Group, lors de ses conférences, discutait des problèmes esthétiques de l'Art contemporain. Il désirait renouveler les codes de la laideur et de la beauté, en introduisant la "culture de masse" dans la haute culture (n'oublions pas que nous sommmes en pleine croissance de la société de consommation!). C'est en parti pour cela que les membres du groupe sont considérés comme les précurseurs du Pop Art en Grande-Bretagne ; ce sont eux qui parlent pour la première fois de cette culture de masse, et de la place qu'elle tient dans l'histoire de l'art.

  Le groupe tenait également des expositions, la plus notable étant Parallel of Life and Art. Elle était composée de 122 photographies en noir et blanc, représentant des objets de la vie quotidienne. Elles immergaient complètement le spectateur, puisque les photographies étaient disposées sur les murs et sur le plafond dans des inclinaisons différentes. Une autre exposition notable est celle de Richard Hamilton en 1955, considéré par ailleurs comme l'un des géants du Pop Art.

 

 

Parallel of Life and Art, 1953

Parallel of Life and Art, 1953

   L'Independent Group était un peu "touche à tout" ; bien que son but premier soit de redéfinir la notion de beauté, les sujets qu'il aborde incluent plus tard la culture de masse américaine, comme les panneaux d'affichage ou la musique populaire. On ressent alors les prémices des sujets principaux du Pop Art, et lorsque l'Independent Group cesse de se réunir en 1963, la révolution Warhol est déjà enclenchée...

 

 

 

B - LA SÉRIGRAPHIE


 

My fascination with letting images repeat and repeat - or in film's case 'run on' - manifests my belief that we spend much of our lives seeing without observing.

Andy Warhol

  La sérigraphie est une technique d'impression très ancienne, qui entre aux Etats-Unis au XIXe siècle, utilisée dans la réalisation d'affiches de propagande en Mai 68.

 

  Le principe est un peu le même qu'un pochoir : il consiste à reporter un motif sur un support, en faisant passer de l'encre à travers le "tamis", qui est un écran en tissu. Cet écran est tout d'abord enduit d'une "émulsion photosensible", qui durcit lorsqu'exposé à un rayon ultraviolet, empêchant donc l'encre de passer. Le motif est ensuite positionné sur l'écran : tout autour de ce motif, un film bloque les rayons ultraviolets, afin que l'encre ne puisse pas y passer sauf sur la surface désirée. On passe ensuite au nappage, en étalant l'encre sur ce film : l'encre passe à travers les mailles, le motif apparait.

 

            

 

  Cette simple technique d'imprimerie est devenu un véritable procédé artistique dans les années 1960. Elle devient indissociable du Pop Art puisque Warhol imprime en sérigraphie des photos en noir et blanc, qui sont par la suite elles-mêmes imprimées sur une toile peinte. De ce fait, l'image perd tout son sens : ce qui était une fois unique ne l'est plus. C'est le cas lorsqu'il représente, entre autre, Marylin Monroe : alors qu'un portrait est sencé capter la beauté unique de l'actrice, Andy Warhol la démultiplie, ne faisant plus d'elle qu'un visage qui fait alors parti de la vie quotidienne, puisque vu sur sa télévision, sur les affiches de cinéma, dans les magazine.

 

 

Andy Warhol, Diptyque Marilyn, 1962

Andy Warhol, Diptyque Marilyn, 1962

  Cette démultiplication rappelle directement la société de consommation de masse, puisque plus rien n'a de valeur unique réelle. Il utilise également cette technique pour ses Brillo Boxes, mais cette fois-ci, c'est de la sérigraphie sur bois : il reproduit très précisement les boites de lessives que l'on trouve alors en grande surface, si bien que rien ne différencie l'oeuvre de Warhol et les boites fabriquées industriellement... à part le prix.

 

  “J'ai peur que si tu regardes quelque chose assez longtemps, cette chose perde tout son sens., c'est peut-être comme ça que Warhol justifie l'utilisation de cette sérigraphie : la photographie devient une image, l'image devient une affiche, et l'affiche n'est plus unique puisque reproduite à l'infini... plus rien n'est unique. C'est ce que la sérigraphie permet, puisqu'elle est utilisée pour la signalétique, la publicité, l'industrie du textile... Autant de choses faisant parti de notre vie de tout les jours et qui rentrent parfaitement dans la problématique du Pop Art. En adoptant simplement la même technique qu'utilise alors la société afin de répondre au besoin de la consommation de masse, Warhol en fait presque une satire. Bien évidemment, l'utilisation de cette technique a été fortement controversée : elle est qualifiée de simple, superficielle. C'était sûrement le cas, mais si tout autour de nous est simple et superficiel, alors où est le mal?

 

 

 

 

 

C - LA FACTORY

 

 

  La Factory, aussi nommée "Silver Factory", en raison de ses murs recouverts de peinture argentée, était un atelier artistique créé par Warhol dans lequel se réunissaient artistes, mais aussi hipsters et personnes connues dans le mileu "underground" du début des années 1960 : la jet-set New Yorkaise. C'était le lieu de création de Warhol, notamment pour ses oeuvres sérigraphiques, mais également pour le tournages de ses nombreux films. Pourtant, la Factory était bien plus qu'un simple studio au beau milieu de Manhattan : c'était un lieu de débauche mêlant intrigues douteuses et peut-être même... escroqueries.

 

 

Il y avait, plus ou moins, un ressenti d'anonymat [dans la Factory]. Tu y entrais et tu n'étais pas totalement sûr de ce que c'était, ou de ce qu'il y avait avant. Andy aimait ça, en quelque sorte.

Gerard Malanga

  Voilà comment Gerard Malanga, grand ami de Warhol, décrivait la Factory. C'était le contraire d'un atelier d'artiste habituel : il n'y avait pas de parquet avec de grandes baies vitrées pour laisser passer la lumière, non, l'ambiance y était glauque et sombre. Normal, pour un endroit réunissant junkies et artistes incompris. La Factory se voulait pourtant lieu de création artistique : toutes les personnes présentes aidaient généralement à la réalisation des oeuvres. La sérigraphie bien sur, mais pas que : le géant Warhol touchait à tout. Il était le manager de The Velvet Underground, il tournait ses films... Ces derniers sont sans scénario, parfois même sans sujet. Pourtant, il en tire un large succès : Chelsea Girls, par exemple, était le premier film underground à sortir en tant que films pour grand public. Les acteurs du Pop Art ne sont plus seulement des peintres ou de simples artistes : Warhol affirme sa suprématie dans tout les domaines, que ce soit production, réalisation ou création.

 

 

                                              

 

  Dans la Factory, on voyait des gens aller et venir pour finalement tomber dans l'oubli quelques semaines plus tard : un véritable Star System abrité dans un studio délabré. C'est ici que se démarquaient les "Superstar" d'un jour, plasticiens ou chanteurs, qui profitaient de leur quart d'heure de gloire : la plus notable fût sûrement Edie Sedgwick, jeune mannequin, qui fut pendant longtemps la "muse" de l'artiste, jusqu'à ce qu'il l'ignore complètement et qu'elle quitte finalement la Factory. (Un film a été dédié à son sujet, Factory Girl). Certaines pourtant ont réussi à s'imposer dans l'industrie artistique : nous pensons au groupe de musique The Velvet Undergound avec Lou Reed & la chanteuse Nico, qui ont marqué l'histoire du rock. Une de leur célèbre jaquette d'album a été réalisée par Andy Warhol lui même, et son nom y figure ostensiblement. Le groupe a d'ailleurs, à la demande de Warhol, écrit une chanson sur Edie, Femme Fatale.

 

 

 

 

 

 

 

  Une fois entré dans le tourbillon néfaste de la Factory, il était pratiquement impossible d'en sortir. Les inombrables fêtes, la drogue... Il était impossible de se re-créer une fois "l'aventure Warhol" terminée. Edie Sedgwick mourut d'une overdose, les stars d'un jour disparaissaient dans l'ombre sans jamais se faire de nom, et là se trouve toute la controverse et la nouveauté du concept de la Factory : les individualités y semblent mises en avant, mais elles y sont en réalité noyées. Combien de personnes ont aidé Warhol à réaliser ses oeuvres sans jamais ne recevoir de crédit pour leur travail? Beaucoup trop. Ce tourbillon absurde a faillit coûter la vie à Andy : une de ses Superstar, Valérie Solanas, lui tira dessus le 3 Juin 1968 car "il lui devait de l'argent". Mais les raisons sont probablement beaucoup plus profondes : "Il avait beaucoup trop de contrôle sur ma vie", avoue-t-elle après l'incident. L'emprise que détient Warhol sur ses superstar est énorme, et c'est grâce à elles qu'il affirme sa suprématie sur le monde du Pop Art.

 

  Mais alors, pourquoi peut-on dire que le concept même de la Factory représentait une révolution dans le milieu de l'art, et même de tout l'undergound New Yorkais? Stephen Koch affirme que "La Factory inversa le rôle traditionnel de la culture underground : tandis que le microcosme occulte tournait le grand monde en dérision, de dernier le contemplait avec fascination, illuminant la Factory des feux de sa curiosité." La Factory n'était plus seulement un lieu de création, c'était un collectif de personnes regardées par le grand public pour son originalité, alors que, paradoxalement, c'était également le star system qui régnait dans ce groupe réduit.

  Les oeuvres Pop Art caricaturent la société... mais tout le petit monde d'Andy Warhol ne définissait-il pas en lui-même, cette société?

 

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